Pour mieux comprendre le déroulement de ce passage encore bien confus dans les chères têtes blondes, Zérotracas.com est allé pousser la porte d’un grand collège de la banlieue parisienne.
Reportage. « Techno, c’est de 2 à 3 ». La cloche sonne et les élèves s’alignent bruyamment devant la salle d’informatique 223, où Monsieur Ledemé dispense d’ordinaire son cours de technologie. Aujourd’hui, les rideaux sont tirés, le vidéoprojecteur est installé, relié à l’ordinateur qui va lire le DVD de l’épreuve. Les élèves de la 5èmeA passent l’ASSR1, premier niveau
d’apprentissage de la sécurité routière ; premier pas théorique vers le permis de conduire. Qui est aussi leur premier vrai examen, officiel et national.
L’objectif est simple : répondre à au moins 10 des 20 questions posées au cours de l’épreuve.
Attachez votre ceinture.
Monsieur Ledemé brieffe les élèves : l’ASSR 1 est une épreuve officielle. Aussi, il installe sa classe en séparant les collégiens pour décourager les éventuels copieurs ; le prof constate avec satisfaction que personne ne manque à l’appel.
L’examen va durer 20 minutes, une par question, pendant lesquelles on devra entendre voler une mouche. Toutefois, avant le lancer l’épreuve et tout en distribuant les feuilles jaunes du questionnaire à choix multiples, il explique certains mots, comme "homologué", ou "giratoire". Monsieur Ledemé connaît le niveau de ses élèves et veut que tous aient leur chance.
Chacun inscrit son nom et sa classe sur la feuille jaune dont il faut cocher les cases. Dernière précision : si elles sont rondes, c’est qu’il n’y a qu’une réponse ; lorsqu’elles sont carrées, il faut en cocher plusieurs. Maintenant on se tait, c’est parti.
Démarrage.
Un court générique précède la première question, qui porte sur l’alcool. Nouveauté cette année, de petits films d’introduction aux questions sont réalisés en images de synthèse. Plutôt didactiques, ils mettent la situation en scène. Ainsi, on commence avec des jeunes gens titubants qui sortent d’une boîte de nuit et se dirigent vers leur scooter. Manifestement, aucun n’est en état de conduire. L’image se fige et laisse place à la question : Quel est le taux d’alcoolémie admis : A 0,5 gr/l. B 0,7 gr/l. C - 0,8 gr/l.
Au regard désemparé de certains élèves, on se doute qu’ils n’ont aucune idée de la limite, fixée, pour mémoire, à 0,5 gr/l.
Quelques secondes plus tard, une autre animation montre un vélo arrivant sur un carrefour alors qu’une voiture pointe à droite. Arrêt sur image : A Je passe, B Je laisse passer la voiture, C : Je n’ai pas la priorité. Les cases sont carrées et il faut cocher B et C.
Nouvelle animation : des enfants à l’arrière d’un bus. La presque-même séquence passe trois fois. Dans la version A, les gamins se lèvent alors que le bus roule. Dans la version B, ils attendent qu’il soit arrêté. Dans la C, la bonne, ils attendent l’arrêt pour détacher leur ceinture et se lever.
Respectueux de la règle du jeu, les élèves suivent, avec application et en silence, le déroulé des 20 questions. « M’sieur, on connaît pas ce panneau ! ». « Tant pis, tu réponds » dit le prof. Une question, objectivement ambiguë un gamin enfile un casque qui semble mal ajusté - soulève un léger brouhaha. « Répondez ce que vous pensez, intervient le professeur, même si la question est mal posée. Lors de l’examen du code de la route, il y a toujours un ou deux cas litigieux ». Comme sur la route d’ailleurs.
Fin de parcours.
La vingtième question est accueillie avec soulagement et monsieur Ledemé ramasse les copies. Globalement, toutes les questions étaient adaptées à l’âge des participants. Elles mettaient en scène des piétons, des cyclistes, des passagers ou des scootéristes. Les commentaires peuvent alors fuser. « C’est allé trop vite » dit Anna. « Faudrait qu’on voit les questions deux fois » ajoute Téo. « T’es ouf ! Déjà c’est super lent » corrige Zelma. On évoque les ambiguïtés « Le coup du vieux casque, on comprend rien », et les difficultés : « Le panneau avec les flèches qui tournent, ça indique un carrefour ! » dit Sonia. « Mais non, c’est un sens giratoire ! » corrige Yasser. « C’est quoi giratoire ? » demande Yann. « Je l’ai expliqué tout à l’heure » conclue le prof avec le sourire résigné de celui qui a l’habitude de répéter 30 fois les choses ! « Y a des trucs qu’on n’a jamais vus en cours » se plaint Cédric.
Mais oui ! C’est vrai, de quelle préparation ont bénéficié les élèves avant l’examen ? « En techno, dit Monsieur Ledemé, j’ai donné un cours sur l’équipement du scooter ». « Et on a eu une heure en éducation civique sur les panneaux, une demi-heure en SVT (Science et Vie de la Terre) sur l’alcool, et une autre en maths sur les statistiques des victimes de la
route », complètent les élèves. À propos, combien de tués sur la route en 2005 ? « 100000, 20000, 4000 ? ». Les réponses fusent, toutes très éloignées de la réalité : 5000 ! Bon, c’est pas gagné, mais Monsieur Ledemé peut reprendre son cours... Bonne chance à tous ceux qui ont passé l’ASSR, sachant que seuls un ou deux élèves par classe la ratent et qu’ils peuvent la repasser l’année suivante.
La conduite, ça ne s’invente pas.
Pour en savoir plus, rendez-vous avec la dame du CDI (Centre de Documentation et d’Information), qui gère l’information envoyée par le Ministère. Élégante et souriante, elle montre le livret sensé aider les professeurs à initier leurs élèves de 5éme et 3éme, aux règles élémentaires de la sécurité routière. À eux d’inclure dans leurs cours les notions
recommandées de comportement sur l’espace commun. « On en demande toujours plus aux profs ; et tant pis aussi pour le programme, qui est pourtant chargé... », remarque la Responsable du CDI en montrant le fascicule de 80 pages, richement illustré mais dense, sorte de code de la route appliqué aux mathématiques, au français ou à l’histoire-géo. De fait, c’est le professeur d’éducation civique est le plus sollicité (logique : conduire relève de la vie en société).
Bonne route.
Espérons au moins que cette sensibilisation permettra aux élèves de 5ème et 3ème de raisonner leurs parents sur la route des vacances.
N.B : Les prénoms des enfants ont été changés.
Un grand merci à Madame Etcheverlepo, Madame Arnaud, Madame Goudeneiche, et Monsieur Ledemé, ainsi qu’aux élèves du Collège Jean Jaurès de Montreuil, notamment ceux de 5èmeA, qui nous ont accueillis. Et merci à Suzanne d’avoir fait l’intermédiaire.