Nombreux sont ceux qui ont peur de passer leur permis car ils n’osent pas conduire. Certaines personnes peuvent même faire des crises de panique devant le volant en pleine autoroute. Les tunnels et les ponts peuvent également poser problème pour d’autres.
Les forums sur Internet regorgent d’appels au secours d’handicapés de la route qui sont terrorisés à l’idée de conduire. En creusant un peu, nous connaissons tous des personnes, pourtant capables et détentrices du papier rose, qui ne conduisent pas. Certains, ne pouvant surmonter la panique, y ont carrément renoncé, obérant ainsi vie sociale ou carrière professionnelle, et s’enfermant parfois dans la solitude.
Phobies, traumatismes, paniques incontrôlées, manque de confiance en soi, peur des autres, peur du vide, peur de l’enfermement, peur de ne pas savoir, de ne pas être capable ou d’être trop vieux, la peur de conduire peut être durablement installée, ou frapper brutalement n’importe qui, n’importe quand.
Qu'est-ce que la peur ?
La peur est un phénomène psychologique qui accompagne la prise de conscience d’un danger, réel ou imaginé. Déclenchée par le système nerveux, elle provoque des réactions physiques (accélération du cœur et de la respiration…), des pensées projectives (évaluation, plus ou moins pertinente, du danger) et des actions (pas toujours opportunes). Réaction d’alerte normale et salutaire lorsque survient un danger objectif, la peur devient handicapante quand elle est déclenchée par l’imagination et l’irrationnel.
Ainsi des phobies, craintes excessives et maladives face à certains objets, idées ou actes peuvent avoir des répercutions sur la conduite. L’agoraphobie (peur des lieux publics) est susceptible de déclencher la panique sur l’autoroute, l’acrophobie (peur du vide) peut rendre difficile le passage des ponts, et la claustrophobie (peur de l’enfermement) risque de créer des tensions dans les embouteillages. Ces phobies peuvent donc donner naissance à l’amaxophobie, la peur de conduire une voiture.
Si la peur raisonnable rend prudent au volant, la peur irrationnelle, née dans d’obscurs méandres de l’esprit humain, peut conduire à des catastrophes. Qu’elle prenne sa source dans un traumatisme de la petite enfance ou soit la conséquence « normale » d’un accident dont on ne parvient pas à extirper les images horribles, elle paralyse ou panique, engendrant des actions inadaptées. Ce qui est problématique à 130 km/h sur une autoroute.
Les conséquences de la peur
Les manifestations de la panique sont nombreuses et souvent… paniquantes ! Bouffées de chaleur, cœur qui s’emballe, respiration haletante, vision troublée, débordements de pensées terribles ; on a le sentiment de devenir fou et parfois, la peur de mourir. Ces manifestations peuvent être tellement traumatisantes qu’elles amènent souvent le sujet à l’évitement de ce qui les provoque : si c’est la conduite, on arrête de conduire.
En ville, les victimes trouvent des subterfuges grâce aux réseaux de transport en commun. Mais, à la campagne, c’est plus difficile. Le mal frappe notamment les dames récemment veuves ou séparées qui, après plusieurs décennies en tant que passagère, doivent redevenir conductrices afin de garder leur indépendance. Peu préparées, âgées, doutant de leurs capacités, elles sont prises de panique dès qu’il faut sortir la voiture du garage. Si en ville, l’évitement de la conduite peut être considéré comme une solution, à la campagne, il se transforme en renoncement multiforme : routier, social, amical, professionnel. A terme, ce renoncement engendre souvent d’autres troubles psychologiques graves, comme la dépression.
Le Docteur Roger Zumbrunnen, auteur de « Pas de Panique au Volant » (Editions Odile Jacob) tient l’évitement pour la pire des options. Selon lui et sauf cas très graves (incapacité due au handicap ou à l’âge), les personnes qui refusent de conduire pourraient le faire. A condition de trouver des solutions à leur problème, et elles sont rares.
Les remèdes de la peu
Air France et d’autres grandes compagnies aériennes proposent aux phobiques de l’avion des stages d’une journée (fort bien fait paraît-il, mais assez coûteux) pour dépasser leur peur d’embarquer. Rien de tel n’existe pour l’amaxophobie.
Les auto-écoles ont pour mission de former les apprentis conducteurs et non d’aider les phobiques. Aucun programme spécifique n’est donc développé au niveau national, mais certains centres de formation à la conduite tentent de prendre les problèmes de peur au volant en compte. Des moniteurs un peu plus psychologues que les autres peuvent lever, en quelques leçons, les blocages les plus simples. Mais vous les trouverez en tâtonnant car ces démarches restent très artisanales.
A l’image de l’Association le Fil Conducteur qui, en Finistère Sud, se déplace pour venir au domicile des paniqués du volant. Nicole Le Gouill, ancienne monitrice et fondatrice de l’association, a mis au point un panel d’exercices simples afin d’aider ses clients à ré-apprivoiser un véhicule. Elle cherche à développer son activité, encore jeune puisque née en avril 2010.
Quant aux Automobiles Clubs, ils proposent des stages formidables pour maîtriser certaines pratiques particulières (conduite sur neige, évitement d’urgence…), mais rien pour reprendre confiance en sa conduite quotidienne.
Dans ce contexte, le livre du Docteur Zumbrunnen a le mérite d’exister. Son « guide pour s’aider à s’en sortir soi-même », détaille les mécanismes de la peur et de l’évitement. Le docteur propose aussi une méthode, inspirée par les TCC (Thérapies Cognitives et Comportementales), pour maîtriser sa peur. Ces exercices ont pour but de contrer les effets de la panique : contrôle de la respiration (ventrale, en carrée : un temps d’inspiration, un temps de pause, un temps d’expiration, un temps de pause), contrôle des muscles (par le pétrissage du volant), de la vision (apprendre à voir loin et à défocaliser) et de la pensée. Dans ce chapitre, qui s’adresse plus particulièrement aux traumatisés d’un accident, victime ou responsable, il incite ses lecteurs à parler, et à pousser jusqu’au paroxysme les pensées terribles qui les submergent, afin de pouvoir les dépasser en situation.
Le docteur donne aussi des conseils de bon sens : reprendre confiance sur des espaces dégagés (parking de supermarché un dimanche), ou d’affronter la peur de l’autoroute, l’une des plus répandues, progressivement et par de courts trajets.
Souvent, la peur de conduire masque d’autres peurs, plus profondes, ou en est une conséquence. Dans ce cas, quelques leçons de conduite ou l’auto-thérapie (sans jeu de mot), via la lecture d’ouvrage ou la consultation de sites Internet. Une psychothérapie s’avère alors nécessaire, mais pas de panique. Lorsque l’on sait ce que l’on veut soigner (peur des serpents, des araignées ou du volant), les thérapies sont courtes et efficaces. Vous n’aurez pas à vous lancer dans une psychanalyse de 15 ou 20 ans avant de pouvoir reprendre le volant. Les TCC donnent, dans ce genre de cas, d’excellents résultats. Elles ne règlent certes pas tous vos problèmes, mais répondent pertinemment à celui qui vous pourrit la vie.
Vous pourrez trouver des renseignements et des adresses de praticiens sur le site de l’Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive. L’hypnose, qui place le patient dans un état modifié de la conscience, fonctionne aussi très bien pour traiter la phobie de la conduite (et d’autres d’ailleurs). Loin des fantaisies à la Robert Houdin, l’hypnose Ericksonnienne (théorisée par Milton Erickson, un psychiatre américain mort en 1980) permet d’induire des messages à l’inconscient d’une personne. Ces messages destinés aux couches basses du cerveau vont l’aider à modifier son comportement et à contrôler ses émotions. On peut parvenir à des guérisons rapides, en une ou deux séances d’une heure et 70 € environ. Plus de renseignements et la liste des praticiens, qui répondent à une charte déontologique.
La Programmation Neuro-Linguisitique (PNL), un ensemble de techniques de développement personnel inspiré par l’hypnose et théorisé aux USA dans les années 70, peut prolonger le travail. Mais c’est seulement si vous voulez devenir pilote de Formule 1 !
Plus sérieusement, si vous n’avez pas conduit depuis longtemps et que ce type de thérapie vous redonne confiance, nous vous invitons vivement à revenir à la démarche évoquée au paragraphe précédent. Quelques leçons dans une auto-école rafraîchiront vos connaissances et vous aideront à vous insérer dans le trafic.
Conclusion
Dans la vie, comme au volant, il ne faut jamais renoncer. Même si on a peur. Prendre la route est dangereux et la peur évite de prendre trop de risques. Si la conduite vous pose un problème, essayez de l’évaluer. Parfois, il suffit de se simplifier la vie et de trouver des micro-solutions pour reprendre confiance. Si la manipulation de la voiture vous ennuie, optez pour une boîte automatique. Et prenez les nationales si vous n’aimez pas l’autoroute. Toutefois, si pour éviter un tunnel, vous faites un détour de 60 kilomètres, ces « remèdes de bonne femme » ne suffiront pas et il faudra vous faire aider.
L’autre difficulté touche les personnes âgées. Il est un âge où l’on se sent trop lent pour conduire, où l’on n’est pas sûr de soi, de sa vision, de ses réflexes… Nous avons consacré précédemment un article à la conduite des seniors et au tragique renoncement à la voiture, nécessaire si l’état de santé l’impose. Mais beaucoup de seniors sont tout à fait capables et ne nécessitent qu’un coup de pouce pour reprendre la route.
Une émission de téléréalité belge, que M6 projette d’adapter en France, « Y a pas pire conducteur », montre de vrais dangers publics que l’on ne souhaite pas croiser sur la route. Et puis il y a des gens, ni plus bêtes, ni moins habiles que les autres, qui ne sont pas faits pour la voiture. Est-ce vraiment une tare ? Tout dépend de la façon dont on le vit. Notre société valorise peut-être trop la mobilité et la rapidité. La lenteur et la contemplation sont aussi de nobles valeurs.