L’auto-école de la Mairie est installée depuis plus de 30 ans en face du commissariat d’une grande ville de la banlieue parisienne. « Je suis le plus vieux de la commune », dit non sans fierté Michel, le patron, fringant sexagénaire qui tutoie tous ses élèves. Michel les initie au code de la route tout en assurant le secrétariat de sa boutique : un bureau encombré de dossiers et une salle vidéo où les élèves passent des examens blancs. Lorsqu’ils auront obtenu l’ETG (Epreuve Théorique Générale), Michel les confiera à l’un de ses 5 moniteurs. A eux de faire passer le nouveau PNF (Plan National de Formation), « plutôt intelligemment fait » commente Michel. L’objectif du PNF est d’amener les jeunes conducteurs à maîtriser un véhicule, à connaître les règles de circulation, et à rouler en toutes circonstances, tout en ayant conscience de la sécurité routière et de leur responsabilité. Vaste programme, qui commence par l’inscription. En route pour le permis B, celui des voitures.
Combien ça coûte ?
Même si on peut théoriquement préparer son permis hors d’une auto-école, nous ne saurions trop vous conseiller de passer par ces organismes agréés dont les moniteurs sont diplômés. Leur formation nécessite le bac, s’étage sur un an et coûte autour de 3000 €. Cher pour un métier, disons le, assez mal payé. Pourtant, le permis est coûteux, « notamment à cause de la TVA à 19,6% », précise Michel, ce n’est pas un métier où l’on fait fortune ! ». Toutes les auto-écoles proposent des formules incluant les frais de dossier, l’évaluation, la préparation et une inscription à l’ETG, et au moins 20 heures de conduite. 20 heures, c’est le minimum légal… et insuffisant de l’avis de tous les professionnels ! Au forfait de base (environ 700 € pour 20 heures), il convient d’ajouter l’achat de la pochette pédagogique (code de la route, livret de suivi, etc. pour une trentaine d’euros) et l’inscription à l’examen pratique (entre 100 et 150 € selon les auto-écoles, qu’on repaye en cas d’échec). Ensuite, on peut acheter des tests interactifs sur CD et surtout d’autres heures de conduite, facturées autour de 40 euros pièce. Pour un élève « normal », hors cas difficiles qui représentent 10% de la population, on compte une quarantaine d’heure de conduite pour être prêt le jour de l’examen. Si on considère que l’on va rater une fois la conduite, le coût moyen du permis tourne autour de 1500 €. Parfois moins, souvent plus.
Comment s’inscrit-on ?
D’abord, choisissez une auto-école ayant pignon sur rue. Dans ce monde comme partout, il y a des filous. Demandez autour de vous, préférez les auto-écoles installées depuis longtemps, et vérifiez tout de même qu’elle est agréée par la Préfecture ! Réfléchissez bien à la meilleure formule pour vous (il est en général impossible d’en changer) et prenez le temps de parler aux moniteurs : vous allez passer du temps avec eux ! Une fois votre choix effectué, vous devrez fournir un certain nombre de pièces (carte d’identité, enveloppes, photos, attestation de recensement…), remplir la demande Cerfa 02 pour la Préfecture et faire votre chèque. Gloups. Beaucoup d’auto-écoles proposent de payer en plusieurs fois. Et puis, il y a le permis à un euro par jour (voir notre article sur le sujet), mais toutes les écoles n’adhèrent pas à ce programme. « Trop de paperasse », tranche Michel.
ATTENTION : l’auto-école ne vous demande pas votre ASSR2 ou votre ASR (voir nos articles sur ces sujets), obligatoire pour l’obtention du permis. Mais, le jour de l’examen, si vous êtes né(e) après 1987, vous devrez les présenter. Prenez vos précautions. « Il y là un gros flou, notamment pour les jeunes qui ont quitté le système scolaire, confie Michel, et personne ne l’éclaircit. À suivre. »
Une fois les formalités remplies, vous passerez un test d’évaluation psychotechnique, souvent devant un ordinateur, parfois dans une voiture. «Certains jeunes arrivent en sachant presque conduire. Mais c’est la conduite des cités, très éloignée de ce qu’on demande à l’examen », précise Michel. À l’issue du test, le formateur évalue le nombre d’heures nécessaires à l’apprentissage. Faites lui confiance. S’il vous prescrit 40 heures, vous raterez le permis si vous y aller avec seulement 20. L’intérêt des auto-écoles est de présenter des élèves prêts : plus ils ont d’échecs, moins la Préfecture leur alloue de place pour l’examen. Intérêt partagé puisque les délais sont longs entre deux passages et qu’il faut payer à chaque fois. Faites le calcul : un passage coûte environ 120 €, soit 3 heures de conduite.
L’Epreuve Théorique Générale (ETG).
Avant, on disait le code. D’ailleurs on appelle toujours ainsi l’épreuve théorique visant à vérifier votre connaissance du code de la route. Le principe est simple : un questionnaire à choix multiples (QCM) de 40 questions, parfois simples, parfois tordues, avec une ou plusieurs réponses possibles. Attention, si vous ne cochez pas toutes les bonnes cases, la réponse est mauvaise. Pour obtenir l’ETG, il faut obtenir une note minimale de 35 sur 40. 5 fautes, c’est bon ; plus, on est recalé. Et là, on repaye (100 € environ) pour repasser l’épreuve. Là encore, faites confiance à votre formateur et attendez qu’il vous propose un passage. « On a une mission, confirme Michel, on forme des jeunes à un examen, mais il faut surtout leur apprendre à conduire. Ce n’est pas la même chose. C’est nous qui décidons quand ils sont prêts. Moyennant quoi, la totalité de nos candidats réussissent la partie théorique du premier coup, et rares sont ceux qui ont besoin de plus de 2 passages pour la pratique ». Pour vous préparer à l’ETG, vous disposez du Code le Route (la plupart du temps, édité par Rousseau) et des tests papier fournis dans la pochette pédagogique. Mais le mieux, c’est de venir aussi souvent que possible passer des examens blancs à l’auto-école. Placé dans les conditions réelles de l’épreuve, vous bénéficierez en plus de la correction d’un formateur. Vous pouvez aussi acheter des tests sur CD ou consultez des sites spécialisés. « Dans mon auto-école, les élèves passent à la pratique une fois seulement qu’ils ont obtenu le code, précise Michel, mais ce n’est pas la règle partout. » Cet examen pratique se déroule dans une salle départementale. Si vous y réussissez, direction la pratique.Nous avons passé un test avec les élèves ; on ne vous dira pas combien on a fait de fautes, mais trop pour réussir l’épreuve. On va réviser notre code !
Premiers tours de roue.
Nous abandonnons Michel pour suivre Jean-Marie, l’un des moniteurs de conduite de l’auto-école. Il accompagne Adrien, apprenti mécano, qui en est à sa sixième heure au volant. « Enfin, un peu plus parce que mon père m’a déjà laissé conduire sur des petites routes » confie Adrien, un peu gêné. « Je ne veux pas le savoir, tranche Jean-Marie, ce qui m’intéresse, c’est où tu en es ». inutile de préciser que les leçons du papa d’Adrien ne s’inscrivaient pas dans le cadre de l’Apprentissage de la Conduite Accompagnée (AAC), une excellente formule à laquelle nous avons déjà consacré un article. Exceptionnellement, Jean-Marie et Adrien ne se connaissent pas. En général, un élève reste avec le même moniteur, mais Cathy, la formatrice habituelle d’Adrien est malade. L’élève s’installe au volant, règle ses rétros, met sa ceinture. Jean-Marie s’assied à la place du mort, équipée d’un double-pédalier et d’un boîtier qui contrôle tous les organes du véhicule. « Sauf le volant et le levier de vitesse ! » dit Jean-Marie en rigolant. Mais il observe le comportement d’Adrien tout en consultant sa fiche de suivi. Cathy a jugé qu’Adrien avait franchi la première des 4 étapes de l’apprentissage : maîtriser la voiture. Ensuite, il faut trouver sa position sur la chaussée, circuler dans des conditions normales et connaître les situations particulières et dangereuses. Quand toutes les cases du livret d’Adrien seront cochées, il sera prêt pour se présenter devant un examinateur.
De notre point de vue, Adrien ne se débrouille pas mal : sa conduite est souple, sans trop d’à-coup. Jean-Marie n’est pas de cet avis. Il repère les mauvaises habitudes et les conseils pleuvent : « Quand on s’arrête derrière un véhicule, on doit voir ses roues ; ne pas trop le serrer pour déboîter au besoin ». « On ne tourne pas sur une route que l’on ne voit pas ». « Un piéton qui traverse est toujours prioritaire, même au feu vert ». « Regarde où tu veux aller, pas le danger ; la voiture va où on regarde ». La grosse voix de Jean-Marie couvre largement Africa FM qui assure le fond sonore de la petite Citroën qu’Adrien emmène dans la circulation assez dense en cette fin d’après-midi. L’heure passe vite et nous reprenons le chemin de l’auto-école. Bilan : pas mal, mais Adrien doit un peu se calmer au freinage. Jean-Marie voit trois grandes étapes dans l’apprentissage : savoir rouler, savoir s’arrêter, et surtout, maîtriser l’environnement : « c’est 80% de la conduite » précise t-il
Et Adrien, qu’en pense-il ? « Je suis satisfait de cette heure ; chaque moniteur a sa façon de faire. En changer, c’est aborder d’autres points et réviser des choses oubliées. » Si tout se passe bien, Adrien passera le permis dans 2 ou 3 mois. « Et il devrait l’avoir », parie le moniteur. C’est ce qu’on lui souhaite.
Le Jour J.
Pour ne pas troubler l’épreuve, nous n’avons pas voulu suivre le passage pratique du permis. Mais on sait comment ça se passe. Les élèves se présentent au volant de la voiture sur laquelle ils ont été formés et accompagnés de leur moniteur. Ce qui d’ailleurs pose un problème lorsqu’ils se retrouvent sur d’autres véhicules : on ne mène pas une C3 essence à boîte manuelle comme une grosse Audi automatique diesel. Mais, pour l’instant, on peut conduire une Ferrari avec un simple permis B. Alors, une fois le papier rose en poche, prenez le temps de vous familiariser avec le véhicule que vous conduirez.
Mais, revenons en à l’examen. Une récente réforme en a allongé la durée. Chaque candidat conduit pendant 35 minutes en effectuant deux manœuvres (créneau, marche arrière…). Il doit aussi répondre oralement à des questions portant sur les équipements et le fonctionnement de la voiture. En sortant du véhicule, le candidat ignore s’il a, ou non, réussi. Sauf évidemment s’il a renversé un piéton, grillé 3 feux et emprunté l’autoroute à contre-sens ! Son moniteur peut lui donner son sentiment, mais il devra attendre quelques jours pour recevoir chez lui la feuille jaune, synonyme de succès. Feuille valable 2 mois, et qui va lui permettre de faire une demande officielle de permis, établi par la Préfecture en 6 semaines environ.
Si c’est votre cas, n’oubliez pas d’aller remercier votre moniteur ; une petite bouteille, ça fait toujours plaisir, à condition de la boire en dehors des heures de service ! Et si vous êtes recalé, il faudra reprendre quelques heures de conduite pour travailler sur le motif de votre échec. En théorie, on peut repasser la pratique 15 jours après l’avoir ratée. Dans les faits, comptez plutôt 6 à 8 semaines, et le prix d’une nouvelle inscription.
Conclusion : le permis, c’est plus pour la vie.
Jeune conducteur, vous disposez d’un permis probatoire avec un capital de 6 points. Faites attention, 6 points, ça file vite. Un contrôle de police après une soirée arrosée et vous perdez votre permis. Il faut attendre 3 ans sans fautes (ou 2 si l’on a suivi l’AAC) pour disposer des 12 points. Mais pas question de faire le fou. Ces 12 points sont fragiles et une nouvelle clientèle arrive dans les auto-écoles : les annulés du permis qui, après quelques excès de vitesse, ceinture oubliée ou refus de priorité, ont vu s’envoler tout leur capital. « Il y en a de plus en plus, et il faut gommer toutes leurs mauvaises habitudes ». Vaste travail, mais qui ne décourage pas le toujours vaillant Michel.
______________________________________________Un grand merci à Michel Weber, directeur de l’auto-école de la Mairie à Montreuil qui nous a accueilli.
Merci aussi à Jean-Marie, le moniteur et à Adrien, son élève, à qui nous souhaitons bonne chance.
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