Les débuts de la sécurité routière
Dans les années 70, la ceinture de sécurité était optionnelle et il n’existait aucune limitation générale de vitesse sur les routes hors agglomération. La mortalité routière en France atteignait des niveaux très élevés, avec une hausse constante depuis les années 1950. Entre 1960 et 1970, le nombre de morts sur les routes avait augmenté de 55 %, passant de 8 000 à plus de 16 000 décès annuels.
Ces chiffres alarmants ont poussé le journaliste Michel Tauriac à lancer l’opération « Mazamet, ville morte ».
Un tournage marquant
L’idée était forte : représenter, par les 16 610 habitants de Mazamet, le nombre de morts sur les routes françaises en 1972. Michel Tauriac, alors journaliste à l’ORTF, sollicite le maire, les patrons de tanneries, les établissements scolaires, les clubs sportifs et les représentants religieux pour mobiliser toute la ville.
Le 17 mai 1973 à 14 h 30, les sirènes retentissent : les habitants s’allongent dans les rues, les places et les jardins publics, simulant une ville entièrement décimée. Certains garent leur voiture à moitié sur le trottoir, coffre ouvert. Une épave est même incendiée pour renforcer l’impact visuel.
Le film documentaire de l'opération, « Mazamet, la ville rayée de la carte », a été diffusé le 1er juin 1973 dans l'émission 24 heures sur la Une. Il provoque une prise de conscience nationale. Son impact psychologique est fort, tant par son réalisme que par l’ampleur de la mobilisation.
Une campagne qui fait bouger les lignes
L’opération « Mazamet, ville morte » marque un véritable tournant dans la politique de sécurité routière. Jusque-là, la lutte contre les accidents reposait principalement sur des appels à la prudence. Ce coup d’éclat médiatique montre la puissance de l’image et de la mobilisation collective. Dès la fin de l’année 1973, plusieurs mesures structurantes sont adoptées :
- Limitation de vitesse généralisée (130 km/h sur autoroute, 90 km/h sur route, 60 km/h en agglomération).
- Port de la ceinture de sécurité obligatoire à l’avant hors agglomération.
- Casque obligatoire pour les conducteurs de deux-roues motorisés.
- Création de la Délégation interministérielle à la sécurité routière, chargée de coordonner la prévention, le contrôle et la communication.
En quelques années, la mortalité routière commence à décroître. L’approche de la sécurité routière évolue vers une prévention active, une réglementation plus stricte et un usage stratégique des campagnes de sensibilisation.